
Hellfest 2011: Three Days Of Black, Grey & Noise
- Introduction
- Vendredi 17 juin
- Samedi 18 juin
- Dimanche 19 juin
Dimanche 19 juin
Dernier jour aux portes de l'enfer et aucun droit de fléchir malgré cette fatigue qui assaille. Ce soir se côtoient deux Titans sacrés du psychédélisme, l'un des seventies, père du Space Rock, l'autre des nineties, enfant du désert et parrain du Stoner. Chacun d'entre eux se devra d'être vécu à fond et il n'existera pas d'excuse valable. D'autant plus que de belle surprises nous attendent aux coins de la Terrorizer Tent, il est donc hors de question de se laisser aller. "Café..."The Ocean

- Knut Knut - who's there ?

"Tu vas voir, c’est comme si Muse jouait du heavy, c’est ouf"

Kylesa & Grand Magus

Grand Magus. Fait du heavy metal. Le fait bien. Les Suédois se la donnent, parcourant tous les clichés du genre: des riffs à doubles croches chevaleresques aux solos épiques et à la voix émasculée mais basculant parfois dans un bon groove puissant avec quelque chose de frais dans le regard. Après tout, ça vaut mieux que Scorpions.
Stoner céleste et pauvres pantins.

Grand messe vaporeuse et pied phénoménal.

Long live Space Rock !

Entre doutes et orgasmes: Kyuss Lives!

Il est vrai que l’on était en droit de se poser des questions. Quelle valeur peut bien avoir une reformation de Kyuss quatorze ou quinze ans après cette mise à mort ? Fin dramatique qui a sans doute claqué Scott Reeder dans une dépression nerveuse terrible, ayant à la fois fait partie d’un groupe aussi extraordinaire qu’éphémère puis s’étant fait gicler des auditions de Tool et de Metallica pour voir Oliveri rafler tous les honneurs, massacrer ses sublimes parties de basse à la souplesse nuancée des plus délectables, et ce sans même un coup de fil. Sans déconner, c’est bien le genre de news qui te foutent une grosse montée d’adrénaline quand tu l’apprends mais qui te filent les jetons en pensant à ce que ça pourrait engendrer: Kyuss, un groupe à succès post-mortem qui attire les foules en exhibant son cadavre, se servant d’un membre amputé pour se faire remarquer. Où comment gâcher ce qui faisait le charme mystérieux de cette musique. Peut être cette réunion n’aurait elle du être qu’une exception.
Se cachant derrière la même intro chiante à laquelle j’ai déjà eu droit en Suisse, Brant Bjork est le premier à s’installer derrière ses futs, très vite rejoint par Nick Oliveri, Bruno Fevery et John Garcia pour un "Gardenia" d’enfer. Le truc gonflant c’est que ce morceau est toujours gâché par les réglages de son en direct et c’est seulement sur « Hurricane » que la balance semble enfin terminée bien que l’ensemble manque encore cruellement de basse, un comble pour Kyuss. Oliveri colle sa Fender à l’ampli et Fevery ouvre la guitare sinueuse de "Thumb" qui voit le public se réveiller seulement maintenant pour une raison qui m’échappe. « Genre ça bougeait pas avant ? ». Le groove de "One Inch Man" crée les premières vagues lysergiques, le quatuor commençant enfin à se foutre dedans sérieusement. On sent encore de la retenue dans l’interprétation comme si tout était nouveau, qu’ils n’avaient pas eu le temps de vraiment se retrouver avant d’entamer cette tournée. Pourtant "Freedom Run" est encore un des purs moments du show, voyant Garcia dans ses grands jours, poussant sa voix à l’extrême dans des variations terribles, loin des chant timide des nineties.
Alors c’est vrai je fais le difficile, j’en attends beaucoup, mais tant d’années à se repasser les albums au casque, en soirée, en disque laser et en vinyle, ça forge quelque chose de dingue à quoi nous ne pensions assister. Ici ça nous tend gentiment les bras, disant « Eh les gars, on est là, c’est cool ! » quand on voudrait que ça nous chope par le col et nous foute dans le sable chaud, les oreilles bousillées par le volume et la vue troublée par la chaleur, enfiévré par un soleil de plomb qui te ravage la tronche. Mais là, sur les planches, ça fait bouger la tête, ça éveille le sentiment endormi sans vraiment lui faire ouvrir les deux yeux. On voudrait bouger, s’exprimer physiquement, mais la foule est trop dense pour lever un bras. Le break chaotique de "Asteroid" est bâclé, conclu au plus vite pour retomber sur ce riff de malade qui lui ressort bien, relance le sentiment et arrive enfin à le faire exulter sur un "Supa Scoopa" qui dégonde, maitrisé et liquoreux, Garcia jouant de son organe le regard au cieux, le trio groovant derrière lui comme un seul homme pour s’amuser avec un final imposant.
"Molten Universe" surprend mais manque l’intention pure qui la transcenderait. Bjork frappe en douceur, attendant patiemment les lignes de "Whitewater" imprégnant lentement la Terrorizer. Une nouvelle fois points d’orgue du concert, les couplets s’envolent, flirtent avec le ciel et ce « I’m going home », beau et puissant. Le break est incroyable, chacun a sa place, et on retrouve Kyuss, cette entité rare et unique, dans ses moments éphémères de beauté nuancée aux contrastes picturaux, dégradant toutes les teintes de l‘orange clair au rouge profond. "El Rodeo" s’avère un peu rêche mais est superbement relevée par les instants de tension que sont l’attente du cri de Garcia et de l’explosion finale enchainée à un "100°" fougueux et tellurique.
Rappel à la con et retour logique. Pas tant que ça. La basse d’Oliveri frémit au son de la ligne de "Odyssey" et recèle de talents cachés. Au final ce sont les morceaux de Blues For The Red Sun et de Sky Valley qui s’en sortent le mieux, Nick arrivant à s’adapter au jeu de Scott Reeder quand il le faut, mais Garcia étant le seul des quatre à jouer sur And The Circus Leaves Town, il faut avouer une certaine sécheresse quand ils viennent à l’œuvre. Bruno Fevery balance l’ultime riff de la soirée, celui de "Green Machine" et la Terrorizer se soulève face aux derniers coups de butoir des Desert Sons, Oliveri éclatant dans son solo et le groupe assénant les derniers offices avant de se retirer, le temps d’un au revoir et la scène est déjà investie de roadies et techniciens. Mesdames, Messieurs, la fête est finie.
Il fallait au moins ça pour pouvoir en juger. Les avoir vu quatre fois a fini par dévoiler les forces et les faiblesses de cette réunion. Des concerts inégaux mais toujours respectables, des humeurs et des conditions changeantes mais une envie claire et sincère de jouer, notamment ce concert à Paris au son et à la présence dantesque qui a vu le pourtant froid et posé John Garcia extatique, exalté et trempé de sueur comme jamais, comparant le Bataclan a son désert natal, donnant le meilleur de toute sa fièvre vocale dans des variations intenses à se déchirer le crâne. Une chose est sure, ce n'est pas à un concert de Kyuss que vous assisterez, mais bel et bien à une réminiscence, à la sensation vraie de toucher à ce que nous n'avons pas pu connaitre, une parcelle de ce qui fut le plus grand groupe de rock 'n' roll au monde, et merde ce déjà n'est pas rien. Kyuss est mort ! Vive Kyuss !
Pour ce deuxième passage en terre sainte de Clisson, un constat se pose. La chose prend de l’ampleur. Comme tous les grands festivals, les sponsors se font de plus en plus voyants, exhibant leur putréfaction publicitaire aux quatre coins du site. Les prix ne font qu’augmenter et s’il est vrai que l’évènement se révèle beaucoup mieux géré que les Eurockéennes ou le Rock Am Ring pour une programmation autrement plus riche et méritante, Ben Barbaud ne serait il pas en train de créer un monstre dont il pourrait perdre le contrôle au fil des années ? En attendant, le Hellfest a une nouvelle fois rempli son office, invitant le monde entier à son banquet, de Sapporo à Jérusalem en passant par Buenos Aires. Ainsi s’achèvent ces trois jours de vie en noir, de ciel gris et surtout et avant tout, de bruit.
"C'est décidé, l'an prochain, j'y ouvre un stand de café"
Crédit photos: Matthieu Ezan - Matthieu Ezan
Eric Bagnaro - Ozirith