
Elbow
Build a Rocket Boys!
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1- the birds / 2- lippy kids / 3- with love / 4- neat little rows / 5- jesus is a rochdale girl / 6- the night will always win / 7- high ideals / 8- the river / 9- open arms / 10- the birds (reprise) / 11- dear friends


Ainsi, on en reviendra toujours au même grief. Avec le recul, il n'est  pas étonnant qu'Elbow n'ait rencontré qu'un succès aussi tardif, que ce  soit en Angleterre ou dans le reste du monde, quand on sait que Guy  Garvey revendique clairement et sans aucune honte l'influence de Genesis  et de Yes sur sa musique. Quand on connaît les rapports haineux  qu'entretiennent les médias envers le rock progressif, tout s'éclaire  subitement. L'analyse des critiques successives de The Seldom Seen Kid et de Build A Rocket Boys!  dans les Inrocks est à ce sujet proprement navrante. Le premier album  se fait littéralement torpiller au motif de son ascendance (ouh que  c'est long, mou, tarabiscoté et tout ce qui s'en suit), l'auteur allant  gentiment jusqu'à signifier que si le groupe persistait dans cette voie,  il ne rencontrerait jamais aucun succès. Manque de bol, quelques mois  plus tard et de façon réellement surprenante, Elbow empoche le Mercury  Prize, les ventes de l'album décollent et la formation mancunienne  commence enfin à récolter ce qu'elle a semé depuis près de dix ans.  2011, même canard (boiteux) musical, mais cette fois-ci c'est un tout  autre son de cloche qui nous parvient : c'est beau, c'est fin, ça prend  le temps de développer, les arrangements sont chiadés, c'est quand même  autre chose que Beady Eye (sic). Sans commentaire.
Les amateurs  du coude, eux, se marrent. Et pour cause : ce cinquième album du  quintette de Manchester ne diffère pas fondamentalement de ses  prédécesseurs. Si Garvey et ses collègues ont peut-être mis l'accent sur  quelques élans nostalgiques liés à leur passé de jeunes zonards,  s'ils ont (en partie) renoncé à l'éclatement sonore et stylistique de The Seldom Seen Kid,  ils n'en délivrent pas moins, une fois encore, cette pop smart et  précieuse oscillant sans cesse entre ferveur et recueillement. Car ce  n'est que ça, Build A Rocket Boys! : du raffinement, de  l'élégance et de la poésie. Elbow se met avant tout au service de la  musique, même s'il faut pour cela renoncer au sempiternel trio guitare -  basse - batterie : la formule n'est pas une seule fois employée telle  quelle sur le disque. A l'inverse, les cinq hommes ne reculent devant  aucun ajout si tant est que celui-ci dessert les compositions : violons,  cuivres, chorales vibrantes de naïveté lyrique, ou même simple piano -  voix s'il le faut, et peu importe si le propos doit être délayé sur plus  de huit minutes. L'excellence est à ce prix.
L'album est d'une  construction absolument parfaite : double introduction simple et gracile  ("The Birds", magnifique alignement de thème enchevêtrés, et "Lippy  Kids", entre douceur et force émotive), double conclusion apaisée  (rappel du premier thème ouvrant les coulées lumineuses du splendide  "Dear Friends"), et double intermède central oscillant entre langueur  rêveuse ("Jesus Is A Rochdale Girl") et pureté quasi-monacale ("The  Night Will Always Win"), l'ensemble réalisant une ossature idéale pour  encadrer les morceaux plus énergiques. Si aucun d'entre eux ne réalise  le single parfait, tous apportent leur pierre à l'édifice et bénéficient  de la grande voix bourrue et chaleureuse de Guy Garvey. Le rythme n'a  plus qu'à venir d'une guitare clinquante ("With Love") ou d'une basse  râpeuse ("Neat Little Rows"), à moins que le piano ne se mette lui aussi  de la partie ("High Ideals", "The River"). Tout converge vers le point  de ralliement qu'est "Open Arms", entonné en chœur par une foule à  l'unisson. Une formule qui ferait hurler de rire si elle était employée  par les Killers, ou U2, ou tout autre groupe de bouffons soit disant  expert en soulèvement de masse, mais qui pousse ici au plus profond  respect. C'est tout ce qui fait la force d'Elbow, cette simplicité,  cette humilité qui rend tout artifice invariablement juste en toute  circonstance et qui fait de Build A Rocket Boys! un album de  grande qualité, encore une fois. Un album qui ne s'envisage que sur la  durée et dans son ensemble. Un vrai grand album de rock anglais.
























