
Dead Can Dance
Anastasis
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1- Children of the Sun / 2- Anabasis / 3- Agape / 4- Amnesia / 5- Kiko / 6- Opium / 7- Return of the She-King / 8- All in Good Time


Si  certaines reformations sont souvent susceptibles de stimuler les  fantasmes les plus délirants, la retour du duo Brendan Perry - Lisa  Gerrard, annoncé mi-2011, n’a pas manqué de susciter de nombreuses  interrogations. Alors que l’histoire de Dead Can Dance s’était achevée  avec une certaine amertume en 1997 et qu’une ultime tournée, qualifiée  elle-même de "tournée d’adieu" par les intéressés, avait mis un point  final à ce groupe mythique en 2005, cette soudaine résurrection ne  semblait pas aussi catholique qu’elle en avait l’air. Certaines  mauvaises langues avaient même été jusqu’à suggérer que Perry avait  fortement poussé son ex-compagne à adhérer à ce projet en raison de gros  problèmes financiers, grief que l’on ne pouvait décemment porter au  crédit de Gerrard qui, elle, jouissait - et jouit encore - d’une  carrière solo de renommée internationale, notamment par le biais de  nombreuses bandes originales de film (la voix de Gladiator, BO composée  par Hans Zimmer, c’était elle). Néanmoins, la volonté du duo de perdurer  au delà du live et d’enregistrer cette fois-ci un nouvel album ne  pouvait que déclencher une certaine fébrilité chez tous les nostalgiques  de la mort dansante. 
En  tout cas, Dead Can Dance ne pouvait trouver un meilleur patronyme pour  le disque de son grand retour, Anastasis signifiant littéralement  "résurrection" en grec ancien. Seize années se sont écoulées depuis  Spiritchaser, mais à peine la galette est-elle introduite dans le  lecteur CD que l’on ne peut que se rendre à l’évidence : tout comme la  musique du couple Perry-Gerrard se révèle intemporelle, cette grosse  décennie d’inactivité semble n’avoir eu aucune emprise sur l’alchimie  qui lie le baryton à la contre-alto. Ce neuvième album nous entraîne  ainsi une nouvelle fois dans un autre univers, quelque part au sein  d’une dimension parallèle perdue entre la Grèce antique et la Perse, à  la croisée des chemins entre un Orient et un Occident perclus de mythes  et de magie. Les influences de la musique arabe, chère à Lisa Gerrard,  se font ici très nettement sentir sur les morceaux dont elle a la  charge, tandis que Perry assoit toujours avec un réel talent son immense  culture de la pop music, réalisant une sorte de cold wave habitée par  une incommensurable profondeur spirituelle.
Certaines  pièces de ce disque révèlent très vite un immense pouvoir d’attraction  après un "Children Of The Sun" soucieux de trop bien faire, on pensera  notamment au duo "Anabasis" - "Agape" porté à bout de bras par les  psalmodies orientales de la cantatrice Gerrard, toujours aussi  éblouissante dans son écrin de dulcimer métallique et de violons du  désert. Plus loin, "Kiko" pousse encore plus loin ce voyage en terres  arabes en faisant basculer le morceau dans des enchantements de cordes  et de synthétiseurs hypnotisants : un morceau proprement grisant encore  rehaussé par la beauté irréelle de ses percussions ethniques. Mais le  ténébreux Perry n’est pas en reste, car il livre avec "Amnesia" et  "Opium" deux morceaux terriblement poignants, l’un au rythme claqué des  cordes de la mandoline médiévale de sa comparse et d’un piano enjôleur,  l’autre engoncé dans le stupre de ses violons et de ses trompettes  lointaines. Du Dead Can Dance de très, très haut niveau, lent, onirique,  majestueux, bref : un sans faute. Dommage que l’on ne puisse en dire  autant des deux derniers morceaux qui, loin d’être indigents, ne  s’avèrent pas aussi indispensables. "Return Of The She King", lente  marche au son d’une cornemuse altière, démontre par l’absurde que les  deux compères, bien que possédant chacun une voix sublime, ne  parviennent pas à engendrer des duos parfaitement en phase, tandis que  le terminal "All In Good Time", ode morphinique hébétée, pèche peut-être  par un peu trop de facilité mélodique. 
Cinq  morceaux absolument brillants, trois autres de bonne tenue : contrat  rempli pour Dead Can Dance qui réalise ici une résurrection  incontestablement réussie. Puisque le groupe reste toujours aussi peu  lié au milieu rock, vous excuserez l’absence d’albums amis sous cette  chronique, même si, dans le cas où ce disque parvienne à vous  transporter, on vous conseille fortement l’écoute recueillie d’une autre  grande oeuvre folk-arabique, le splendide Book Of Secrets de Loreena  McKennit qui partage avec Anastasis d’indéniables similitudes (pour tout  dire, An Ancient Muse, l’album qui lui fait suite, reste dans la même  veine, mais la matière n'y est plus aussi  irrésistible). Et même si  Perry et Gerrard se séparent de nouveau après ça, personne ne pourra  plus jamais nier l’évidence : la musique de Dead Can Dance est  immortelle, et en un sens, jamais un groupe n’a aussi bien porté son  nom.


















