
Top10 - Hors série #19 - Always crashing in the same plane
Cette rubrique se veut essentiellement pratique et a pour objectif d’informer ceux qui ont un peu plus de moyens que les autres et qui ambitionnent d’acheter un avion ou un hélicoptère (neuf ou d’occasion).
Avant de poser un choix compulsif, il peut s’avérer utile de s’inquiéter de la fiabilité des appareils que l’on trouve sur le marché. Il arrive en effet que la gravité l’emporte sur la mécanique. Et c’est le drame. Fatal. Raison pour laquelle, plutôt que de sauter dans le premier tas de ferraille qui passe, il vaut mieux prendre exemple sur Little Richard. En 1957, le rocker fou met un terme à une tournée triomphale en Australie. A peine installé sur le siège du long courrier qui doit le ramener au pays, il est submergé par une crise d’angoisse. Il jure alors (pour autant que le vol se passe sans encombre) de ne plus jamais prendre l’avion et de consacrer sa vie à Dieu. Et Dieu – qui n’est que bonté (comme tout le monde le sait) – exauce Little Richard lequel devient le très respecté Pasteur Penniman.
D’autres rockers moins sages s’obstineront à voler et auront beaucoup moins de chance...
Préférez le train...
10.- "Little Wing" – Jimi Hendrix (1968) – Michael Jeffery n’est ni chanteur, ni musicien. Mais, selon les thèses rock complotistes (ça existe aussi) , c’est lui qui aurait assassiné Jimi Hendrix – dont il était le manager – en lui proposant de mystérieuses pilules létales et une bouteille de vin (pour faire passer). Mobile : toucher le pactole car il était le bénéficiaire d’une énorme assurance vie. Qu’il ait eu ou non la conscience tranquille, le 5 mars 1973, Michael a eu la fort mauvaise idée d’emprunter un DC-9-32 de la compagnie Iberia pour se rendre à Londres par le vol 504. Les contrôleurs aériens français sont alors en grève et sont remplacés par des militaires inexpérimentés. Ceux-ci, en mal de distraction, envoient un Convair CV-990 dans le même couloir aérien que le DC-9-32. Il est midi et cinquante-huit minutes lorsque le Convair remporte la bataille aérienne improvisée dans le ciel nantais. La très fameuse "collision aérienne de Nantes" fera 68 victimes dont l’assassin (très) présumé de Jimi... Il existe une stèle (peu visitée par les petits rockers) qui commémore l’événement dans la commune de La Planche. Une chouette destination pour un mini- trip d’Halloween...
Avion incriminé : Douglas DC-9-32 biréacteur
Capacité : 105 âmes
9.- "Chantilly Lace" - The Big Bopper (1958) – En 1958, Jiles Perry The Big Bopper Richardson voit sa vie totalement chamboulée. "Chantilly Lace", sa première composition (consacrée à une dentelle affriolante qui fait les plus beaux dessous féminins) cartonne. Bon d’accord, il a piqué la progression mélodique à Chuck Berry mais on emprunte qu’aux riches. Et Jiles se retrouve invité à participer à une tournée hivernale dans le Midwest en compagnie de Ritchie Valens et de Buddy Holly. Une consécration immédiate pour ce disc-jockey, texan et déjà trentenaire, tardivement reconverti dans le rock’n’roll. Le 2 février 1959, Buddy déclare qu’il en a marre de circuler dans un tour-bus glacial dont le chauffage est tombé en panne deux jours plus tôt. Waylon Jennings, son bassiste souffre d’engelures aux mains. Bon prince, Buddy décide de louer un avion avec pilote. Malade comme un chien, Jiles sera du voyage. Le dernier siège se jouera à pile ou face. Nous y reviendrons. Le 03 février 1959, la météo est déplorable. Mais le pilote est téméraire et décolle à vue. Il est un peu plus de zéro heure quarante. L’avion s’écrasera quelques miles plus loin dans un champ de maïs. The Big Bopper ne piquera plus de progressions d’accords à Chuck Berry.
Avion incriminé : Beechcraft Bonanza monomoteur (avec empennage en V)
Capacité : 4 âmes
8.- "Leaving On A Jet Plane" - John Denver (1969) – Henry John Deutschendorf avait deux passions : la musique et le pilotage. La seconde lui a été fatale. Le 12 octobre 1997, John s’envole à bord de son ultime caprice. Le Rulan est un avion en fibre de verre qui s’achète en kit et se monte à la maison. L’assemblage a été assuré par un mécanicien bricolo du dimanche qui préfère vendre immédiatement l’appareil (en sacrifiant son prix) plutôt que de risquer sa peau à son bord. Au lendemain d’un bref vol d’essai, John décolle et s’en va survoler la baie de Monterey pour pousser son nouveau coucou dans ses ultimes retranchements. A mi-chemin, un témoin avertit le pilote que le réservoir de carburant principal est vide et l’invite à basculer sur le réservoir auxiliaire. Malheureusement, le premier propriétaire n’a pas connecté l’interrupteur qui est supposé activer la commande. Et le petit monoplace s’écrase comme une pierre dans la baie des amoureux, chère à John Steinbeck. "Hold me like you'll never let me go / 'Cause I'm leavin' on a jet plane / Don't know when I'll be back again / Oh babe, I hate to go..." Prémonitoire.
Avion incriminé : Rutan Long-EZ monomoteur
Capacité : 1 âme
7.- "La Bamba" - Ritchie Valens (1959) – Richard Steven Lalenzuela Reyes a seulement 18 ans. Et il est le premier latino à cartonner dans les charts rock’n’roll en s’accompagnant d’une guitare construite de ses propres mains. Mais revenons-en à la partie de pile ou face du 3 février 1959 ! La dernière place dans l’avion se joue entre Ritchie Valens et Waylon Jennings. Le gamin décroche la timbale. Mauvais perdant, Waylon lui souhaite de s’écraser dans son foutu vieux zinc. En retour, Ritchie souhaite à Waylon de se les geler dans le tour-bus. Waylon se les gèlera dans le tour-bus mais regrettera toute sa vie d’avoir attiré le malheur sur Ritchie et les autres. Un héritage pesant. "La Bamba" deviendra un succès mondial au printemps 1959. Pour l’anecdote, c’est la fabuleuse Carol Kaye qui joue de la guitare rythmique sur le titre. "Para bailar La Bamba / Se necesita una poca de gracia / una poca de gracia..."
Avion incriminé : Beechcraft Bonanza monomoteur
Capacité : 4 âmes
6.- "I’m Walkin’" - Ricky Nelson (1957) – Eric Hilliard Nelson était vraiment doué en tout. Acteur (revoyez Rio Bravo), musicien, chanteur, compositeur, ... Le 31 décembre 1985, il monte à bord du Douglas DC-3 qui lui a été vendu par Jerry Lee Lewis. L’avion, d’un âge certain (plus de trente années de vol), connaît régulièrement des pannes techniques mais Ricky est un peu pingre et rechigne à investir dans une coûteuse révision complète. Le 31 décembre 1985, le bimoteur s’envole pour Dallas (Texas). En chemin, un incendie se déclare à l’arrière du fuselage à la suite d’un dysfonctionnement du système de chauffage. Les deux pilotes réussissent un atterrissage d’urgence sur un petit aérodrome. Mais, courageux sans être téméraires, ils évacuent le poste de pilotage par les hublots en abandonnant prudemment leurs passagers qui se consument tous dans la carlingue. Ricky chantait : "For you, pretty baby, I’d even die..." Pas des paroles en l’air...
5.- "The Sky Is Crying" - Stevie Ray Vaughan (1990) – Récemment libéré de ses addictions, Stevie Ray a repris les tournées. Le 27 août 1990, après un festival à Alpine Valley, dans le Wisconsin, le guitariste est épuisé. Il rêve de rentrer au plus vite à Chicago. Mais il n’y a plus aucune place dans les quatre hélicoptères qui s’apprêtent à décoller depuis le terrain de golf de la localité. Bon prince, Eric Clapton lui cède sa place. Le Bell 206B Jet Ranger décolle à quatre heures du matin dans un brouillard épais. Il parcourra six cents mètres avant de s’écraser sur la pente d’une piste de ski. "The sky is crying / Can’t you see the tears roll down the street ?" Méfiez-vous de Clapton, petits rockers ! Timeo Danaos et dona ferentes...
Hélicoptère incriminé : Bell 206B Jet Ranger
Capacité : 5 âmes
4.- "Free Bird" - Lynyrd Skynyrd (1973) – Ronnie Van Zant racontait à qui voulait l’entendre qu’il n’atteindrait jamais l’âge de trente ans. Il est mort à vingt-neuf ans, le 20 octobre 1977 à 18 heures cinquante-deux. Durant la tournée qui avait suivi la publication de l’album Street Survivors (à la pochette dramatique et étrangement prémonitoire), certains membres du groupe et une partie des techniciens avaient choisi de voyager en avion. Le vieux Convair 240 bimoteur avait été écarté par le management d’Aerosmith deux mois plus tôt en raison de manquements avérés aux normes de sécurité. Les deux pilotes ignoraient que le coucou consommait beaucoup plus de carburant que de raison. L’avion, les réservoirs à sec, s’est écrasé dans l’état du Mississipi à quelques miles d’un aéroport de campagne. Un retour aux sources, en quelques sortes... "I’m as free as a bird, now..."
Avion incriminé : Convair 240 bimoteur
Capacité : 30 âmes
3.- "Diary Of A Madman" - Ozzy Osbourne featuring Randy Rhoads (1981) - L’autoproclamé Prince des Ténèbres n’en était pas à un paradoxe près. Il considérait sa rencontre avec Randal William Rhoads comme une bénédiction divine. Car Randy est le meilleur guitariste de son temps. Professeur d’art musical, spécialisé dans les rythmes et arabesques espagnols, le bonhomme planait bien au-dessus de la stratosphère, loin des branleurs de manche de son temps. Durant la tournée qui suit la sortie de Diary Of A Madman, Randy confie à son entourage qu’il va quitter le monde du rock pour se consacrer à la musique classique. Il a partiellement raison. Il va en effet quitter le monde le 19 mars 1982. Le tour bus, en route vers Orlando (Floride) fait une halte près d’un aérodrome. Le chauffeur du car explique avoir une licence de pilote. En louant un Beechcraft, il oublie de préciser que cette licence est expirée de longue date. Et il emmène Randy Rhoads et Rachel Youngblood, la coiffeuse de la tournée, pour faire une bonne blague au batteur, resté à somnoler dans le bus. Le Beechcraft décolle puis déboule au ras des pâquerettes, à fond les ballons. Une aile accroche le car et le coucou s’écrase contre un arbre, tuant ses trois occupants. On savait s’amuser en ces temps-là...
19 mars 1982 Floride
Avion incriminé : Beechcraft Bonanza monomoteur avec empennage en V
Capacité : 4 âmes
2.- "Sitting On The Dock Of The Bay" - Otis Redding (1968) – Otis Ray Redding est heureux. Il est persuadé que le titre qu’il vient d’enregistrer et qui va sortir en single en janvier 1968 va lui valoir son premier numéro un dans les charts. La mélodie est imparable et le texte, vaguement mélancolique, entre solitude et plénitude, va toucher tous les publics. En ce 10 décembre 1967, il prend place avec les Bar-Kays, les gamins surdoués de la Stax, dans son Beechcraft H18. Destination : Madison (Wisconsin). L’aéroport d’arrivée est noyé dans la brume. Le pilote se loupe et le bimoteur plonge dans les eaux glacées du Lac Monona. Le corps d’Otis Redding sera repêché gelé. "I left my home in Georgia / Headed for the Frisco Bay / ‘Cause I’ve found nothing to live for / And look like nothin’s gonna come my way..." Le single sortira comme prévu en janvier 1968 et deviendra numéro un. Prémonition, à nouveau...
Avion incriminé : Beechcraft H18 bimoteur
Capacité : 8 âmes
1.- "That’ll Be The Day" - Buddy Holly (1959) – On sait que s’il n’y avait pas eu Charles Hardin Holley pour inventer le format pop, il n’y aurait pas eu The Beatles (dont le nom même a été inspiré par The Crickets, le backing band du chanteur myope mais néanmoins visionnaire). Et, sans The Beatles, on n’imagine pas le vide intersidéral qui aurait suivi. Le dernier regard que le génialissime Buddy aura croisé de son vivant est celui de Ritchie Valens, totalement terrorisé, lorsqu’il a compris que le pilote du Bonanza ne pourrait pas redresser son monomoteur. Mais Buddy, précautionneux, avait déjà écrit sa propre fin : "That’ll be The Day (Hay-Hay) / When I Die". Toutes ses mélodies, d’une apparente simplicité biblique, étaient imparables. Il est mort avec ses secrets. Et le Beechcraft maudit a tué en réalité deux générations de Holly puisque la jeune Maria Elena Santiago-Holley qui attendait son célèbre mari à la maison, fera une fausse couche en apprenant sa mort dans le journal.
Avion incriminé : Beechcraft Bonanza monomoteur (avec empennage en V)
Capacité : 4 âmes