
The Sword
Warp Riders
Produit par
1- Acheron/Unearthing the Orb / 2- Tres Brujas / 3- Arrows in the Dark / 4- The Chronomancer I: Hubris / 5- Lawless Lands / 6- Astraea's Dream / 7- The Warp Riders / 8- Night City / 9- The Chronomancer II: Nemesis / 10- (The Night the Sky Cried) Tears of Fire


En  terme d’héritage métallique, il existe un paradoxe assez basique que  l’on va essayer de vous exposer de façon explicite : si bon nombre de  brailleurs chevelus se sont revendiqués d’une filiation sabbathienne en  terme de son, peu s’en sont vraiment inspirés sur un plan strictement  musical. En clair : c’est toujours facile de prendre une gratte, de la  détuner d’une note et demi, de la brancher sur un ampli de basse et de  jouer de bons vieux riffs sonnant le glas à une cadence mortuaire en  bourrant le tout au Trebble Delay et au feedback ultra-distordu, ça  l’est beaucoup moins de retrouver le feeling plein et entier de Black  Sabbath, le groove trépidant de sa section rythmique et la science ès  riff inouïe de Tony Iommi qui, faut-il le rappeler, n’a pas fait que du  Doom ou du Stoner avant l’heure, loin de là. Pourtant, cette alternative  sabbathienne existe dorénavant avec The Sword, qui a profité du  revival hard des années 2005 et suivantes pour se faire une jolie place  au soleil du metal préhistorique.
Pour  rendre à César ce qui est à César, The Sword n’est pas qu’un simple  copier-coller de la bande à Ozzy, et ce malgré les intonations de voix  plaintives étonnamment similaires du Prince of Darkness et de J.D.  Cronise, le grand maître de l’Epée. Bien que l'influence du sabbat noir  soit hautement revendiquée par les quatre texans, ces derniers  n’hésitent pas à aller taquiner Metallica sur son terrain de guerre  thrash et à vénérer tout autant les chantres du hard burné (Led  Zep, Blue Cheer) que les terroristes du son (Melvins, Sleep) et  les extrémistes les plus allumés (Slayer). Tout ce ramdam se trouve  donc déroulé à la Gibson mode Iommi, avec ce son rêche, pesant et  délicieusement rétro qui ravive le fantôme du Sabbath de la grande  époque. La petite particularité de The Sword, c’est une affinité pour  tout ce qui touche à la mythologie, à la fantasy et à la S.F. : ainsi,  si les deux premiers albums ont croisé le fer avec les légendes  nordiques et la chevalerie, Warp Riders prend le parti de nous entraîner  dans un space opera à consonance fantastique narrant la quête d’Ereth,  archer banni de sa tribu qui se voit confier par le Chronomancer, entité  surhumaine contrôlant le temps et l’espace, la mission de rétablir la  balance entre le bien et le mal sur la planète Acheron. Tout un  programme servi par une accroche visuelle dans le ton des vieux Star  Wars et des RPG live : les geeks apprécieront.
Sauf  qu’on ne va pas se leurrer : l’histoire a beau être éminemment  sympatoche, ce n’est pas vraiment ce qu’on attend en priorité quand on  écoute un disque de ce genre. Non : ce qu’on attend, c’est d’en prendre  plein la tête et d’engranger son quota de décibels, de morceaux de  bravoures à la six-cordes et de riffs par brouettées entières.  Rassurez-vous : dans ce domaine aussi, The Sword sait y faire. Warp  Riders tranche pourtant avec le style développé par l’Epée sur ses deux  premiers albums, délaissant le metal un peu dur de ses débuts pour  essayer de sublimer le hard rock le plus guttural qui soit. Une chose  est certaine : grâce à une production en béton armé assurée par Matt  Bayles, les texans n’ont jamais autant impressionné sur le plan du son.  Après une intro instrumentale sous speed, "Tres Bujas" sonne la charge  des blindés lourds au rythme des martellements de corde hachés et des  frappes de batterie altière, du bon hard racé comme on aime. Mais ce qui  fait la force de The Sword, une fois encore, c’est sa communion avec  maître Iommi et son jeu de guitare varié et majestueux. "Arrows In The  Dark" en offre le meilleur aspect : ici le groupe en se contente pas de  simplement jouer du Doom bas du front, il fouette ses coursiers avec  fougue et alterne les rythmes et les textures avec beaucoup de classe.  Autre particularité de Black Sabbath : sa collection de riffs  monumentale. Qu’à cela ne tienne, L’Epée a de quoi tenir la comparaison,  et c’est le bouillonnant "The Chronomancer I: Hubris" qui se charge de  déverser les coulées de lave en fusion en changeant encore et encore  d’enchaînements de note : jouissif au possible, et ce n’est que le  début. 
Tout  Warp Riders est ainsi un condensé de proto-metal sombre mais jamais  glauque, habité mais jamais connoté, technique mais jamais orgueilleux,  puissant mais jamais violent. Le chant de Cronise reste clair et hautement  démonstratif, la batterie pétarade mais ignore superbement la double  pédale (et franchement, ça n’est pas un mal) et les gratteux voyagent au  gré des genres et des courants des late 70’s - early 80’s sans aucun  complexe, titillant tout autant les cavalcades guerrières des Four  Horsemen ("The Chronomancer II: Nemesis") que les effluves doom les plus  glaçantes ("Astrae’s Dream", enchaînant les coups de mortiers lugubres,  les rafales de semi-automatique et les soli déchaînés). The Sword ose  encore tricoter son rock sur une matrice blues (l’haletant "Lawless  Lands") et mélange le hard et le heavy metal avec une classe inouïe  ("The Warp Riders"). Et même si la musique de l’épée est en grande  partie instrumentale, le groupe sait encore pondre des chansons qui font  mouche et qui prennent aux tripes ("Night City", imparable). Voilà donc  un concept album qui vous introduira parfaitement à l’univers riche et  fantastique de The Sword, un univers rétro mais pour autant étonnamment  rafraîchissant dans le milieu hyper-balisé des headbangers. En  retournant à la source de leur art et en oubliant peu ou prou tout ce  qui a découlé de la NWOBHM (extrémismes et provocations inclues), les  quatre texans ont ouvert une nouvelle voie pour le metal, plus  consensuelle certes, mais possédant également un potentiel de popularité  bien plus élevé. Et si Warp Riders vous a plu, réjouissez-vous : son  successeur, Apocryphon, nous arrivera à la rentrée. On en piaffe  d’avance.
























