
Angels and Airwaves
Love: Part One & Two
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1- Et Ducit Mundum Per Luce / 2- The Flight of Apollo / 3- Young London / 4- Shove / 5- Epic Holiday / 6- Hallucinations / 7- The Moon-Atomic (...Fragments and Fictions) / 8- Clever Love / 9- Soul Survivor (...2012) / 10- Letters to God, Part II / 11- Some Origins of Fire / 1- Saturday Love / 2- Surrender / 3- Anxiety / 4- My Heroine (It's Not Over) / 5- Moon As My Witness / 6- Dry Your Eyes / 7- The Revelator / 8- One Last Thing / 9- Inertia / 10- Behold a Pale Horse / 11- All That We Are


Les années 2000 s'en sont allées en laissant derrière elles une  sensation mitigées pour les adeptes de rock, et les années 2010 sont  désormais bien lancées en roue libre et parées à suivre le même chemin.  Qui plus est, c'est bientôt Noël, la campagne présidentielle française  est lancée et nous promet encore de grands moments de rigolade, la crise  économique couve, le triple A de la France est d'ores et déjà enterré,  la météo est abominable, la SNCF vient de foutre un souk monstre en  chamboulant ses horaires, le prix du gaz augmente, bref : la vie  continue. Ah, au fait, Blink 182 s'est reformé et vient de sortir un  nouvel album. Ceci dit, tout le monde s'en fout.
Tout le monde s'en fout d'ailleurs tellement qu'on ne vous parlera même pas de Neighborhoods  si ce n'est en une simple question : pensez-vous vraiment que Blink 182  ait encore quelque chose de neuf à dire en 2011 ? La réponse est non,  mais encore faut-il avoir gardé à l’œil l'évolution musicale récente de  Tom DeLonge pour l'affirmer à l'encontre des critiques qui ont loué les  "prises de risque" du trio californien. Inutile de souligner au Rimmel  gras le manque de relief évident des projets alternatifs du trio skater.  Qui a écouté l'obscur album de +44, le passe temps de Mark Hoppus entre  deux productions punk-rock ? Qui a osé s'enquiller le disque solo rappé  de Travis Barker qui, lui, a au moins l'excuse d'un accident d'avion  pour expliquer son inactivité ? Ne reste plus qu'Angels and Airwaves,  le side-project space rock mou de Tom DeLonge, un groupe qui s'est  pourtant avéré étonnamment prolifique avec pas moins de quatre albums  accouchés en un peu plus de cinq ans, un groupe qui explique aussi la  tournure vaguement "progressive" (avec tous les guillemets qui  s'imposent) du nouveau Blink. De tous les membres du groupe, c'est  encore DeLonge qui avait le moins besoin de réactiver le trio  responsable du joyeusement régressif Enema Of The State, et c'est pourtant lui qui y assoit son influence de la façon la plus évidente. Cherchez l'erreur ?
Il  faut au moins reconnaître un mérite au mécheux en chef : Angels and  Airwaves et Blink n'ont pas grand chose en commun en dehors du chant à  l'accent bubblegum californien de leur leader. AAA - ou AvA, puisqu'il  paraît qu'il s'agit du sigle du groupe - voit plus loin que le punk pour  ados, AvA vise un rock mature et, osons le mot, "sérieux", AvA se veut  l'héritier des concept-albums de Pink Floyd, AvA a la ferme intention  de jouer dans la cour des grands, de taquiner les U2, Killers, 30  Second To Mars et autres adeptes du lyrisme planant, de la pensée  pacifiste et des guitares écho-guidées. Manque de bol, AvA s'y croit  beaucoup mais n'a jamais vraiment décollé de son pré carré, et ce n'est  pas faute des participations du martien Matt Wachter, de la progéniture  Ryan Sin ou même d'Ilan Rubin aka The New Regime en nouveau gage de  songwriting intello (pour ce dernier, on attendra néanmoins de juger sur  pièce, l'homme n'ayant que quelques semaines d'activité au sein du  groupe à son crédit). Le soucis, c'est que le type d'écriture de  DeLonge, aux mélodies très typées punk joyeux et pogotteur, jure  invariablement avec le style voulu sensible et "sérieux" du groupe, et  le ralentissement des tempos n'y change rien. Musicalement parlant,  Angels and Airwaves n'invente absolument rien, se contentant de recycler  la mièvrerie de Bono et le son de guitare de The Edge en emballant le  tout avec des synthés clinquants et vaguement eighties tout en  allongeant la sauce des morceaux avec des intros instrumentales  passablement inspirées. Résultat attendu : We Don't Need To Whisper et I-Empire  se sont fait littéralement torpiller par une critique peu amène mais  terriblement réaliste quant au caractère gonflant et redondant de ces  disques. 
Le projet Love change-t-il la donne ? Réponse  après plusieurs passages de ce très long double album (plus de 1h40) :  pas vraiment, même si on y note un semblant de progrès. Love: Part One  a été proposé en téléchargement gratuit l'année dernière, mais c'est à  peu près sa seule qualité. Peu de choses positives ressortent hormis le  couplet cinglant de "The Flight Of Apollo" ou les martellements  monorythmiques de "Young London". On s'enfonce ensuite dans du stadium  rock qui a au moins le bon goût de ne pas verser dans l'outrance vocale  de Jared Leto, même s'il est difficile de se faire à la diction  exagérément teenager de Tom DeLonge. Malheureusement le manque flagrant  d'originalité, d'identité et de force mélodique se fait criant sur les  longs enchaînements de morceaux qui pompent sans vergogne les ténors du  genre en les mixant avec des synthétiseurs qui titillent vaguement  Vangelis ("Shove" ou, encore plus barbant, "Et Ducit Mundum Per Luce").  Parfois nos bâillements ininterrompus se voient brièvement atténués par  un refrain un peu plus distinctif ("Clever Love") pour ensuite retomber  dans un plagiat de U2 ("Soul Survivor (...2012)", décalcomanie à la note  près des gimmicks de The Edge sur "With Or Without You". 
Surprise : Love: Part Two  apporte un peu d'espoir avec le seul enchaînement vraiment convaincant  du lot. "Saturday Love" parvient à développer quelque chose  d'intéressant, profond et dynamique, malgré là encore une pompe inouïe  des motifs du "Video Killed The Radio Star" de Buggles. Quant on vous  disait qu'on était en plein (bad) trip eighties... le morceau se fait  suivre par un duo assez réussi dans le genre Killers mode new wave,  "Surrender" et "Anxiety", et là on croit toucher au purgatoire tant  espéré. Erreur : l'album repart ensuite dans la banalité, le plagiat de  Blink relooké à la sauce martienne ("Dry Your Eyes") ou même  l'auto-plagiat pur et simple - les refrains du correct "The Revelator"  et du médiocre "Inertia" se révélant identiques pratiquement à la note  près. Et on vous passera le mauvais goût atroce de "Behold A Pale Horse"  qui ferait presque passer les toulousains de Gold pour des  visionnaires. Mais si, Gold, rappelez-vous, "Capitaine Abandonné", "Un  Peu Plus Près Des Etoiles", ce genre d'horreurs tarte à la crème qui ont  pollué les années 80 de l'hexagone. Avouez qu'il y a meilleure façon de  conclure un double album - on n'ose à peine évoquer l'insipide "All  That We Are".
Le problème est là, en fin de compte : Love aurait  pu voir sa note multipliée par deux s'il ne s'était pas agi d'un double  album : la moitié du projet apparaît, malgré ses défauts, vaguement  sympathique, mais l'autre se révèle complètement superfétatoire.  Symptôme flagrant d'un homme qui n'a pas les moyens de ses ambitions et  qui ose comparer son projet à une "vision moderne de l'héritage de Pink Floyd et de Radiohead ".  Sans déconner, alors qu'il n'y a rien de plus banal et de prévisible  que la musique d'Angels and Airwaves. Que Tom DeLonge ravale sa  prétention et qu'il essaye plutôt de travailler son songwriting, c'est  en tout cas le conseil qu'on pourrait lui donner. Malheureusement, ce  conseil ne sera pas suivi : AvA prépare déjà deux albums et deux films  vidéos emplis de rock naïf et de prêches humanistes, et le tout pour  2012. Au-se-cours.



















